L’effectuation

Dans le business, dans le milieu de l’entrepreneuriat, nous sommes habitués, conditionnés, à travailler en mode causal, c’est-à-dire qu’en premier lieu, nous nous fixons des objectifs et que dans un second temps nous cherchons les ressources (humaines, financières, technologiques…) pour atteindre ces objectifs…  Si, par malheur, nous n’arrivons pas à obtenir ces ressources, tout s’écroule et le projet s’arrête.

L’effectuation, est un mode de réflexion inverse au mode causal, on fixe ses objectifs selon ses ressources disponibles… On réfléchit alors de la façon suivante : avec les ressources (humaines, financières) que je possède, qu’est ce que je peux faire ? A quel besoin je peux répondre et pour quel marché ?  Et en conséquence, quels sont les objectifs que je peux me fixer ? Et cette modalité change tout.

Mais concrètement comment fonctionne ce mode de pensée entrepreneuriale ?

Il y a 5 grands principes dans l’effectuation.

  • Démarrer avec ce que vous avez !

Des ressources importantes, vous en avez en profusion pour démarrer votre projet entrepreneurial. Il y a d’abord vous : vous avec votre vécu, vous avec vos compétences, vous avec vos savoir-faire… Votre motivation ! C’est votre capital le plus précieux. Le point de départ d’une entreprise n’est pas une idée de génie, mais un individu, avec ses motivations.

Ensuite, il y a votre réseau (parents, amis, connaissances, collègues…) qu’il faut mobiliser.

Chacune des ressources de votre réseau que vous pouvez mobiliser vous ouvre de nouvelles perspectives, de nouveaux objectifs.

« Le processus entrepreneurial repose sur trois bases : ce que je suis, ce que je peux en faire, et qui peut m’aider » résume Philippe Silberzahn.[i]

  • La perte acceptable !

Il n’est pas vrai qu’un entrepreneur, qu’une entrepreneure, prend tous les risques. Ceux qui le pensent n’ont que rarement entrepris. C’est à vous (l’entrepreneur(e)), de décider ce que vous acceptez d’investir, de risquer, de perdre en ressource (en temps, en argent). Si, par exemple, vous êtes au chômage quand vous créez votre entreprise et que vous avez 24 mois devant vous et 4000 euros (…), et bien au bout de 18 mois, faites le bilan : vous êtes sur la bonne voie ? Continuez ! Vous pensez que cela ne fonctionne pas ? Arrêtez. Dans ce cas, vous décidez et acceptez de perdre 18 mois et 4 000 euros. C’est ce qui s’appelle : votre perte acceptable. Votre prise de risque est calculée et acceptée.

  • Le patchwork fou

Vous connaissez cette technique de couture qui consiste à assembler plusieurs morceaux de tissus de tailles, formes et couleurs différentes ? Personne ne sait à l’avance quelle allure aura cet ouvrage. Il en va de même dans un projet entrepreneurial. On agrège des compétences, des rencontres, on saisit des opportunités… Bref, on se lance sans connaitre le résultat final car il se construit au fur et à mesure.

  • Tirer parti des surprises

C’est aussi ce que l’on nomme la stratégie de l’opportunisme. S’il est important de comprendre le monde économique, social et politique qui nous entoure, il faut arrêter d’essayer de tout prévoir, car il nous est impossible de prévoir l’imprévisible. Et Il y a toujours des imprévus, des surprises qui s’invitent. Alors faisons de ces surprises, bonnes ou mauvaises, des opportunités. De toute façon elles sont là, alors jouons avec et tirons-en partie pour notre entreprise !

  • L’avenir n’est pas écrit

Il est ce que nous en faisons individuellement et collectivement. Il n’existe pas de grand livre où tout est écrit à l’avance. « L’entrepreneur(e)  n’est pas celui ou celle qui prédit l’avenir mais celui ou celle qui le construit », lance Philippe Silberzahn. A vous d’écrire votre propre histoire entrepreneuriale !

Bref, « la meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le créer ». Peter Drucker [ii]

Enfin, et pour finir, il est important de préciser pour tout un chacun qui souhaiterait se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat, homme ou femme, jeune ou très expérimenté(e) que les entrepreneurs ne sont pas des super héros, ni non des talents  surhumains… L’entrepreneuriat n’est pas uniquement réservé à une petite élite. L’entrepreneuriat s’apprend ! Et l’effectuation est un outil pour apprendre à devenir entrepreneur.

Vous l’aurez compris, ces 5 grandes étapes de l’effectuation ne sont pas seulement applicables dans le cadre de la création d’entreprise ; tout entrepreneur, nouveau ou plus expérimenté, peut se saisir des ces principes pour faire avancer son entreprise.

[i] Philippe Silberzahn professeur d’entrepreneuriat, stratégie et innovation, auteur du livre « Effectuation : Les principes de l’entrepreneuriat pour tous », éditions Pearson, 2014

[ii] Peter Druker  (1909-2005) professeur, consultant américain en  management d’entreprise, auteur et théoricien. Il est à l’origine de nombreux concepts utilisés dans le monde de l’entreprise, comme l’esprit d’entreprise et l’innovation systématique.